On assiste à un rythme quasi quotidien, du côté d’Ennahdha, aux initiatives des uns et aux propositions des autres, dans le but de trouver une solution «consensuelle» à la problématique de l’article 31 du règlement intérieur.
Parviendra-t-on à un compromis qui contentera les contestataires de la mainmise de Ghannouchi, et qui offrira, l’opportunité au président de l’ARP de continuer à régner à Montplaisir ?
Une seule certitude pour le moment: le congrès prévu, avant fin 2020, risque sérieusement d’être reporté à une date ultérieure.
Se tiendra-t-il dans les délais prévus comme l’indique le règlement intérieur du parti, c’est-à-dire avant la fin de décembre 2020, soit au bout de la durée de quatre ans devant séparer un congrès de l’autre (cette fois, il y aura un retard justifié de 6 mois dû à la pandémie de Covid-19 puisque le dernier congrès d’Ennahdha s’est déroulé justement en juin 2016) ?
Sera-t-il ajourné un an et demi ou deux comme le proposent Abdelkrim Harouni, président du Conseil de la Choura, et Rafik Abdessalem, membre du bureau exécutif, dans leur récente initiative adressée aux contestataires, les appelant à un dialogue dans l’objectif d’aboutir à une solution consensuelle qui permette, à la fois, d’élire un nouveau président du Parti dans le strict respect du fameux article 31 du statut du parti et d’assurer un positionnement au sein de la direction du parti au président actuel (sortant en cas d’organisation du congrès), un poste qui lui permettra de continuer à fixer les choix stratégiques du parti et à lui tracer la voie à suivre, un poste qui donnera, notamment, l’opportunité à Rached Ghannouchi de se porter candidat à l’élection présidentielle prévue en 2024 ?
Mais avant d’arriver à dénicher le poste tant convoité et convaincre les congressistes de le confier au président sortant, il devrait quitter la présidence du parti mais restera au sein de la haute direction comme le prévoit l’initiative Harouni-Abdessalem.
Dans ce cas, il faudrait amender aussi l’article du règlement intérieur qui limite la candidature à la présidence de la République au seul président du parti et l’ouvrir à Rached Ghannouchi en tant que «zaïm» ou «conseiller hors classe» ou «guide suprême», un titre qu’il porterait au cas où Harouni et Abdessalem arriveraient à faire passer leur initiative qu’ils sont en train de promouvoir auprès de la base nahdhaouie, assurant qu’elle trouve déjà un accueil très favorable dans les régions, c’est-à-dire auprès de la majorité des congressistes.
Troisième question : Zouheïr Chehoudi, Mohamed Ben Salem, Abdellatif Mekki, Noureddine Arbaoui, Imed Hammami et Samir Dilou, les contestataires les plus médiatisés parmi les signataires de la lettre des cent exhortant Rached Ghannouchi à annoncer publiquement sa décision de ne pas briguer un troisième mandat à la tête du parti, à respecter scrupuleusement l’article 31 du règlement intérieur (c’est-à-dire à désavouer ses fidèles lieutenants qui cherchent à lui trouver une solution lui permettant de briguer ce tant contesté troisième mandat successif à la tête du parti), iront-ils jusqu’au bout de leur attachement à faire respecter le règlement et jusqu’à faire porter le conflit devant la justice, plus particulièrement le Tribunal administratif, pour s’opposer à la probable décision de reporter le déroulement du congrès à une date qui aura lieu au-delà de fin décembre prochain, dans le but — craignent-ils — «de donner le temps nécessaire à la direction actuelle pour qu’elle parvienne à organiser le référendum interne dont le résultat pourrait accorder à Rached Ghannouchi la possibilité d’accéder à un troisième mandat présidentiel et donc de s’assurer de la qualité d’unique candidat nahdhaoui à l’élection présidentielle 2024, sans attendre que l’initiative Harouni-Abdessalem réussisse à lui assurer un poste «important et décisionnel» au sein du parti mais en contrepartie, à coûp sûr, de concessions qui pourraient être douloureuses au profit du camp des signataires de la lettre des cent pour garantir leur aval des amendements à introduire au règlement intérieur du parti.
Pour le moment, personne, y compris parmi ceux qui prétendent tout savoir sur ce qui se trame au sein du parti nahdhaoui, aussi bien au niveau des «fidèles au zaïm» qu’à celui des «démocrates zélés qui refusent vigoureusement toute atteinte au règlement intérieur», n’est en mesure de prédire ce qui se produira, dans les semaines où même les jours à venir, au sein du parti de Montplaisir.
Mais ce qui est sûr, c’est la réussite des nahdhaouis des deux camps à tenir en haleine permanente les Tunisiens et à les pousser à attendre, quotidiennement, du nouveau du côté de Montplaisir ou du palais du Bardo où Rached Ghannouchi, président du Parlement, est parvenu à obliger l’opinion publique à scruter l’actualité nahdhaouie dans les couloirs ou la buvette de l’ARP.